Le crépuscule commençait à tomber quand j'atteignis la lisière du bois. L'ombre s'appesantissait avec la fraîcheur. Il semblait que la terre fût inondée et que les arbres se réfléchissaient sur un lac double. Les genêts, les épines-vinettes effilochaient le sentier et j'avançais dans ce monde inconnu, ne doutant pas, si je me fiais à l'instinct, de retrouver la cabane. Mais au premier carrefour je me perdis; les fougères tumultueuses déferlaient jusqu'à mes pieds, la piste se brouillait et je compris que je m'étais égaré. Les jeunes arbres, les noisetiers, les aulnes, tout jusqu'aux broussailles me parut aussi formidable que les hêtres et les chênes dont s'enorgueillissait oncle Adalbert.
-Chasseur ! Chasseur ! hurlai-je , hors de moi.
Seule me restait la volonté de le faire surgir à l'instant en criant son nom. Je savais que ce nom me protégerait de tout. J'attendis. J'appelai de nouveau. Sans faiblir : crier ce nom me redonnait courage. Quand toute frayeur m'eut abandonné, il parut devant moi. Son fusil, passé en travers de sa poitrine, brillait.
- Je savais que tu viendrais me retrouver, dit-il.
Et comme je le regardais, trop ravi pour répondre, il ajouta:
- Mes amis viennent toujours me retrouver.
Il ne me demanda pas pourquoi je m'étais enfui, comment j'étais arrivé jusqu'à lui, il me donna la main et me conduisit à la cabane. Alors je connus que ce n'était ni rancune, ni vengeance, encore moins espièglerie qui m'avait chassé vers le Grand Bois, mais l'amitié du Chasseur Vert.