Etrangement, il ne l'avait jamais considérée autrement que comme la maison de sa tante. Jamais comme son foyer. Et pourtant l y avait passé la plus grande partie de son enfance, dans une chambre froide, humide, avec une lucarne au cadre rouillé donnant sur la baie rocailleuse en contrebas. Il se rappela la première fois qu'elle l'avait ramené ici pour vivre avec elle. Quelques jours à peine après le décès de ses parents. Avec une poignée d'affaires, rangées dans une petite valise marron qu'elle avait posée sur le lit en lui disant de la déballer pendant qu'elle descendait leur préparer du thé. Il s'était retrouvé seul, l'humidité froide du matelas sur lequel il était assis s'insinuant dans son âme, et il avait pleuré.
Il se trouvait à présent sur le bitume grêlé, devant la maison, le regard levé vers la fenêtre de cette chambre qui s'ouvrait sur un passé qu'il n'avait aucunement envie de revisiter. Et pourtant, il était toujours là. Dans ses bons et ses mauvais souvenirs. Une vie disparue, peuplée de gens morts depuis longtemps. Il n'y avait pas d'échappatoire.
Il se demanda, comme cela lui arrivait souvent, quelle était la finalité de tout cela. Etions-nous là simplement pour avoir une descendance et puis disparaître, en laissant nos enfants sur cette terre reproduire ce que nous avions fait, comme nous avions nous-mêmes reproduit ce qu'avaient fait nos pères et les leurs avant eux ? Un cycle de naissance, de vie et de mort dénué de sens ?
Il avança jusqu'au bord du chemin qui menait au rivage, une plage de galets dans une crique parsemée de rochers où il avait souvent joué au milieu des ruines de l'ancienne maison de salage Il s'attendait presque à se voir en bas, garçon solitaire cherchant le réconfort dans le monde de son imagination