Paulina m'avait pardonné. Nous ne nous étions jamais autant aimés. Jamais nous n'avions été aussi proches. Je me débattais dans cette griserie d'amour, victorieuse et triste, quand je me demandai - ou plutôt quand mon cerveau, poussé par la simple habitude de proposer des alternatives, se demanda - s'il ne pouvait pas y avoir une autre explication à la visite de la veille au soir. Alors, telle la foudre, la vérité me tomba dessus. J'aimerais découvrir à présent que je me trompe encore. Hélas, ainsi que cela se produit toujours lorsque surgit la vérité, mon horrible explication éclaircit les faits qui semblaient mystérieux. Ces derniers, de leur côté, la confirment. Notre misérable amour n'avait pas arraché Paulina à la tombe. Il n'y avait pas eu de fantôme de Paulina. J'avais serré dans mes bras un fantôme monstrueux, fruit de la jalousie de mon rival. La clé du mystère est cachée dans la visite que me fit Paulina la veille de mon départ. Montero la suivit et l'attendit dans le jardin. Il lui adressa des reproches toute la nuit et, parce qu'il ne crut pas à ses explications - comment cet individu aurait-il pu comprendre la pureté de Paulina ? -, à l'aube il la tua. Je l'imaginai dans sa prison, ressassant cette visite, se la représentant avec la cruelle obstination de la jalousie. (...) Ourdir cette fiction est le tourment de Montero. Le mien est plus réel. C'est la conviction que Paulina n'était pas revenue parce qu'elle aurait été déçue de son amour. C'est la conviction que je n'ai jamais été son amour. C'est la conviction que Montero n'ignorait pas certains aspects de sa vie que je n'ai appris qu'indirectement. C'est la conviction qu'en la prenant par la main - au moment supposé de la jonction de nos deux âmes -, j'avais obéi à une supplication de Paulina qu'elle ne m'avait jamais adressée, mais que mon rival avait entendue à maintes reprises. |