La réconciliation de l'Esprit et de la Nature, omniprésente dans le parcours d'Aldo, rappelle les auteurs allemands chers à Julien Gracq, Hölderlin, Novalis et Schelling. L'auteur du Rivage des Syrtes développe une géopoétique déjà présente dans ses récits précédents, Au Château d'Argol et Un beau ténébreux, où l'homme, créateur de son propre mythe, ne doit pas laisser passer l'opportunité de redonner à sa vie un souffle nouveau. Doyen des gouverneurs d'Orsenna, Danielo le rappelle au jeune homme :
"Il ne s'agit pas d'être jugé. Il e s'agissait pas de bonne ou de mauvaise politique. Il s'agissait de répondre à une question - intimidante - à une question que personne encore au monde n'a jamais pu laisser sans réponse, jusqu'à son dernier souffle (...) Qui vive ?" (ch. XII, p.321)
La synesthésie naturelle d'Aldo en est la réponse : " La nuit était claire et sonore quand je sortis du palais désert." Comme dans notre extrait de la chambre des cartes, il n'y a personne et il y a quelqu'un. Même si le vieux Danielo tire les ficelles de son expédition à l'Amirauté, cette quête d'un Graal intérieur, provoquée par un environnement en pleine décomposition, n'appartient qu'au héros seul et tel qu'en lui-même. Comme la ligne rouge des cartes, la chambre où pénètre Aldo est la lisière, le rivage (zone géographique limite entre la terre ferme et une étendue d'eau salée), entre une réalité oppressante et stérile et l'espace fécond d'un rêve personnel visant à ranimer l'Histoire. Au-delà de Marino, symbole du crépuscule d'un état moribond, se profile la vision d'une vie nouvelle où, pour Aldo, il sera enfin loisible de "posséder la vérité dans une âme et un corps" "Arthur Rimbaud, Une Saison en enfer, "Adieu", 1873).