L'implacable climat de la théologie calviniste se manifeste dans les vanités hollandaises par le fait que la lumière ne vient ni d'en haut ni par en dessous, mais de tous côtés à la fois comme sur une scène de théâtre, de sorte que tous les objets éclairés sont placés dans un espace artificiel, dans un univers métaphysique où règne le loi de Dieu.
Dans la vanité tout est signe, le sablier qui se brise, le luth aux cordes rompues, le pain qui s'émiette et la bougie qui se consume. Point n'est besoin de faire surgir le squelette fantastique de la mort avec sa faux, des cercueils entrouverts avec cadavres pourrissants. N'importe quelle allusion, une fleur qui se fane, une horloge arrêtée par des toiles d'araignées, une bouteille vide, nous tiennent le même discours : Memento mori !
La peinture de vanité est un masque destiné à rester toujours un masque, puisqu'on y dit ceci pour suggérer cela qui est hors de portée de nos sens imparfaits et de notre raison limitée. C'est de la poésie figurée, une sorte de rébus qui veut nous forcer à contempler ce que nous nous refusons à regarder, ne fût-ce qu'un instant, ce crâne hideux, à la couleur indécise, qui fut celui de la tête bien-aimée dont nous caressions les cheveux blonds et bouclés, ou encore celui du pauvre Yorick, le bouffon dont Hamlet appréciait tant les malices et les jeux de mots.
Le crâne des vanités est à la fois un repère, une enseigne (ici un homme a vécu), un témoignage. Il révèle la loi de ce monde, qu'il nous reste les yeux pour pleurer, les larmes pour compagnes et les regrets pour enjeux.