Cette image du philosophe est aussi bien la plus vieille, la plus ancienne. C'est celle du penseur présocratique, « physiologiste » et artiste, interprète et évaluateur du monde. Comment comprendre cette intimité de l'avenir et de l'originel ? Le philosophe de l'avenir est en même temps l'explorateur des vieux mondes, cimes et cavernes, et ne crée qu'à force de se souvenir de quelque chose qui fut essentiellement oublié. Ce quelque chose, selon Nietzsche, c'est l'unité de la pensée et de la vie. Unité complexe : un pas pour la vie, un pas pour la pensée. Les modes de vie inspirent des façons de penser, les modes de pensée créent des façons de vivre. La vie active la pensée, et la pensée à son tour affirme la vie. Cette unité présocratique, nous n'en avons même plus l'idée. Nous n'avons plus que des exemples où la pensée bride et mutile la vie, l'assagit, et où la vie prend sa revanche, affolant la pensée et se perdant avec elle. Nous n'avons plus le choix qu'entre des vies médiocres et des penseurs fous. Des vies trop sages pour un penseur, des pensées trop folles pour un vivant...
A l'idéal de la connaissance, à la découverte du vrai, Nietzsche substitue l'interprétation et l'évaluation. L'une fixe le « sens, toujours partiel et fragmentaire, d'un phénomène ; l'autre détermine la « valeur » hiérarchique des sens, et totalise les fragments, sans atténuer ni supprimer leur pluralité. Précisément l'aphorisme est à la fois l'art d'interpréter et la chose à interpréter ; le poème, à la fois l'art d'évaluer et la chose à évaluer. L'interprète, c'est le physiologiste ou le médecin, celui qui considère les phénomènes comme des symptômes et parle par aphorismes. L'évaluateur, c'est l'artiste, qui considère et crée des « perspectives », qui parle par poème. Le philosophe de l'avenir est artiste et médecin — en un mot, législateur.
Cette image du philosophe est aussi bien la plus vieille, la plus ancienne. C'est celle du penseur présocratique, « physiologiste » et artiste, interprète et évaluateur du monde. Comment comprendre cette intimité de l'avenir et de l'originel ? Le philosophe de l'avenir est en même temps l'explorateur des vieux mondes, cimes et cavernes, et ne crée qu'à force de se souvenir de quelque chose qui fut essentiellement oublié. Ce quelque chose, selon Nietzsche, c'est l'unité de la pensée et de la vie. Unité complexe : un pas pour la vie, un pas pour la pensée. Les modes de vie inspirent des façons de penser, les modes de pensée créent des façons de vivre. La vie active la pensée, et la pensée à son tour affirme la vie. Cette unité présocratique, nous n'en avons même plus l'idée. Nous n'avons plus que des exemples où la pensée bride et mutile la vie, l'assagit, et où la vie prend sa revanche, affolant la pensée et se perdant avec elle. Nous n'avons plus le choix qu'entre des vies médiocres et des penseurs fous. Des vies trop sages pour un penseur, des pensées trop folles pour un vivant...
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Nous ne nous connaissons pas, nous qui cherchons la connaissance ; nous nous ignorons nous-mêmes : et il y a une bonne raison pour cela. Nous ne nous sommes jamais cherchés — comment donc se pourrait-il que nous nous découvrions un jour ? On a dit justement : « Là où est votre trésor, là aussi est votre cœur » ; et notre trésor est là où bourdonnent les ruches de notre connaissance. C’est vers ces ruches que nous sommes sans cesse en chemin, en vrais insectes ailés qui butinent le miel de l’esprit, et, en somme, nous n’avons à cœur qu’une seule chose — « rapporter » quelque butin. En dehors de cela, pour ce qui concerne la vie et ce qu’on appelle ces « événements » — qui de nous sérieusement s’en préoccupe ? Qui a le temps de s’en préoccuper ? Pour de telles affaires jamais, je le crains, nous ne sommes vraiment « à notre affaire » ; nous n’y avons pas notre cœur, — ni même notre oreille ! Mais plutôt, de même qu’un homme divinement distrait, absorbé en lui-même, aux oreilles de qui l’horloge vient de sonner, avec rage, ses douze coups de midi, s’éveille en sursaut et s’écrie : « Quelle heure vient-il donc de sonner ? » de même, nous aussi, nous nous frottons parfois les oreilles après coup et nous nous demandons, tout étonnés, tout confus : « Que nous est-il donc arrivé ? » Mieux encore : « Qui donc sommes-nous en dernière analyse ? » Et nous les recomptons ensuite, les douze coups d’horloge, encore frémissants de notre passé, de notre vie, de notre être — hélas ! et nous nous trompons dans notre compte… C’est que fatalement nous nous demeurons étrangers à nous-mêmes, nous ne nous comprenons pas, il faut que nous nous confondions avec d’autres, nous sommes éternellement condamnés à subir cette loi : « Chacun est le plus étranger à soi-même », — à l’égard de nous-mêmes nous ne sommes point de ceux qui « cherchent la connaissance ».
Si notre âme, un instant, a, comme une corde,
vibré et résonné de joie de vivre, alors toutes les éternités étaient nécessaires pour que cet unique événement ait lieu. |
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